Tout allait bien. Il faisait un grand ciel bleu. Il faisait chaud, aussi, mais pas une chaleur lourde comme d'habitude, une chaleur accompagnee d'une brise legere. Le temps ideal. J'avais quitte l'usine vers 16 heures. Le soleil commencait a decliner et j'avais hate de rentrer le voir se coucher dans la mer, depuis la terrasse de mon appartement. La route etait droite, presque deserte. J'ai baisse le volume de la musique, releve les vitres auparavant grand ouvertes, monte la climatisation d'un cran. Et puis, pied au plancher. La Ferrari a bondi.

Ca n'etait qu'un point a l'horizon. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une mobylette - comme d'habitude. J'ai maintenu l'allure - les mobylettes finissent toujours par degager. C'est alors que j'ai compris: immobile en plein milieu de la route, main tendue vers moi, le policier me defiait.
On ne plaisante pas avec la police en Papilande. J'ai freine, d'abord en ligne droite, puis je me suis rabattu. En passant a son niveau, j'avais encore l'espoir qu'il choisirait, comme d'habitude, ce pick-up surcharge qui me precedait. Mais non, c'etait bien moi sa proie. Le coup de sifflet retentit, autoritaire.
Lunettes noires, uniforme etrique, un flingue enorme a la ceinture, je ne fais plus le fier.
"Monsieur, vous avez depasse la limitation de vitesse. Veuillez me remettre mon permis de conduire."
Je lui remets le document. Il est en regle. Le policier passe a la phase deux:
"Je garde votre permis de conduire. Vous devrez le rechercher a la prefecture, et payer l'amende a ce moment-la".
Je sais tres exactement ce qu'il faut repondre.
"J'avais entendu qu'il etait possible de payer une amende immediatement, sans avoir a se rendre a la prefecture ?"
Le policier arbore un sourire satisfait. Il sait que je sais.
"Bien entendu !" Le ton change. "Combien tu donnes ?".
Un billet rouge de 100 ppl suffit, dans le meilleur des cas, a resoudre la plupart des problemes administratifs.
J'ouvre mon portefeuille. Je m'apercois avec stupeur que je viens de retirer une somme d'argent considerable: 15 000 ppl en billets de 1 000. Je commence a m'inquieter. Je suis tres incertain de la reaction de ce fonctionnaire sous-paye devant une telle somme d'argent. Il pourrait tout demander, je devrais tout lui donner sans elever la voix. Il n'a pas vu le contenu de mon portefeuille, mais il a remarque mon trouble.
"Alors ?"
"... Je crois que je vais opter pour l'amende normale. Gardez mon permis de conduire. Ca marche ?"
Il commence a s'enerver. Il croit que je ne veux pas payer.
"Non, fais un effort, il faut payer maintenant. Combien ?"
Je finis par lui lacher le morceau.
"Je n'ai qu'un billet de mille. Si vous me rendez la monnaie, c'est bon, sinon, c'est l'amende normale."
Il rigole. Et avec un regard malicieux:
"C'est d'accord. Mais ca sera deux fois plus cher. Donne !"
Je plie le billet et le place dessous le permis de conduire, de sorte a ce que la transaction financiere ne soit pas visible de l'exterieur. Il disparait dans sa voiture, et revient bientot. Sous le permis de conduire qu'il me rend, je trouve ma monnaie, comme convenu.

Il me gratifie d'un salut militaire. C'est lui qui aura le mot de la fin: "Ta voiture est cool. T'as la classe."